L'image dégagée du temps, du réel, du vacarme, du concret, du sensible
et en deux mots, dégagée du travail de vivre, est un leurre (la musique un appeau) ;
le miroir aux alouettes face auquel le spectateur, sidéré, se fige en pur consommateur
du temps de sa propre vie.
Autre à lui-même, il devient "sage comme une image". Il devient image lui même
qui s'observe éternellement, le fidèle d'une économie religieuse qui ne confère le statut d'altérité qu'à ce qui sera digne de narration et de fiction au point de devenir indifféremment modèle (bien) ou contre modèle (mal), pourvu que le modèle chatouille au passage notre refus de la mort (mal) et notre aptitude au confort (bien).
Ils veulent, on veut, nous voulons des images ? Spectateurs, programmateurs, producteurs, auteurs, réalisateurs, nous sommes acteurs.
L'image n'existe pas sans la participation de ce "nous" menaçant de subjectivités, sans l'éclatement de ce "on" dans lequel nous cachons commodément nos solitudes,
sans une redéfinition de ce "ils" derrière lequel nous plaçons les pouvoirs obscurs
que nous n'avons pas cru bon de prendre.
Ces images si nous les voulons voir, il nous faut les gagner en échangeant le travail
qu'elles représentent avec un peu de notre travail à chacun : celui d'être "je" au milieu de "nous".
Contre-rôle, mars 2009
